Hoazin.fr : le blog de Catherine Levesque
C’est émouvant de boire un vin plus vieux que soi. Pas de beaucoup (1971), mais plus vieux tout de même. Dégusté lors d’une verticale à la Maison des vins de Loire, samedi midi, ce vouvray présentait une robe à la brillance particulière typique des vieux vins de la région. J’avoue que ce n’est pas celui-ci que j’ai préféré. L’année 1971 n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel (hormis la naissance d’Aurélie) contrairement à celle de 1976, qui incarne le premier grand millésime de sécheresse vinifié en Loire. Or, à cette époque, on ne maîtrisait pas aussi bien les vinifications. Les vignerons ont donc dû s’adapter. Il en ressort aujourd’hui un vin à la belle couleur dorée, au nez de champignon et de cire d’abeille. Un vrai chenin vieilli, en somme.
Quant à cette année 2011, elle ne sera a priori pas propice au passerillage et au botrytis, qui sont les deux mamelles des grands moelleux, si j’ose dire : trop de chaleur au printemps, pas assez cet été, des raisins qui ont failli pourrir… et là je ne vous parle pas de pourriture noble. Alors que 2009 est une année de grande garde. Rendez-vous compte : un bonus de 113 heures d’ensoleillement par rapport à une année moyenne en Val de Loire.
Je vais tâcher d’en tenir compte dans la gestion de ma cave à vin, d’autant plus que j’ai enfin trouvé un livre de cave à ma convenance. Il vient de sortir (16 €) sous la forme d’un carnet vieilli (lui aussi) et n’impose pas, comme certains concurrents, d’avoir dans sa cave des vins de tous les vignobles du pays. Après les miscellanées d’usage (nomenclature et contenance des bouteilles, lexique de dégustation, températures de service…), les pages vierges sont toutes identiques (appellation, millésime, producteur, date d’entrée, prix d’achat, date idéale de dégustation…). Le tout, et c’est toujours le risque avec moi, c’est de ne pas boire le vin avant même qu’il ne soit répertorié. C’est décidé, demain je ferme boutique pour inventaire !
Dans le sac de Patricio Rojas San Martin, un exilé chilien, il y avait L’Etranger, de Camus. Ce sac vintage à l’effigie de la compagnie aérienne qui le transporta est suspendu au gigantesque échafaudage qui constitue un pan de l’exposition « Nantais venus d’ailleurs », présentée jusqu’au 6 novembre au Château de Nantes. Cet échafaudage symbolise la précarité des immigrés, dont la vie « ailleurs » s’apparente à un chantier en devenir. On y découvre successivement les différentes étapes de l’installation dans un nouveau pays. Et autant d’objets ordinaires, souvent usés, qui les ont accompagnés, entrecoupés de témoignages audiovisuels.
De l’autre côté, neuf trajectoires de vie, du Breton du début du XXe siècle au sans-papier africain d’aujourd’hui, en passant par l’Italien de l’Entre-deux-guerres ou le Kabyle algérien de la reconstruction… Pour ce faire, une collecte a été engagée dès 2008 auprès de Nantais d’origine étrangère, grâce auxquels nous faisons « de l’ailleurs, une part de nous-mêmes ».
La force de cette exposition didactique, outre sa sensibilité, c’est de retracer un pan important de l’histoire nantaise tout en la replaçant dans le contexte national, celui de l’histoire de l’immigration en France. Pourtant, la population étrangère nantaise est, dans les années 1990, inférieure à la moyenne française (3,9 % de la population contre 5,6 %). Si les arrivées sont en augmentation depuis une dizaine d’années, la tolérance demeure ici plus qu’ailleurs vis-à-vis de ceux qu’on décrit poliment comme « issus de la diversité ».
L’expo assume et revendique sa vocation citoyenne face au débat sur l’immigration qui ternit depuis quelques années l’image de notre pays. On frémit encore à la lecture d’une lettre de délation de 1940 contre une juive de la distillerie de Saint-Sébastien, qui « prend la place d’une Française », selon son auteur anonyme. En 2010, l’objectif du ministère de l’Immigration était de 28 000 reconduites à la frontière.
Légendes : Amulette bouddhiste. Valise en carton. Photo de familles grecques et arméniennes lors de fiançailles, à Nantes. © DR
« Quand un philosophe me répond, je ne comprends plus ma question », a déclaré Pierre Desproges. J’ai beaucoup de respect pour les philosophes, mais j’avoue que j’adore cette phrase drôle, qui a un fond de vrai. Quand j’y repense, j’ai le sourire aux lèvres. Ce sourire aux lèvres, je l’ai gardé durant toute la lecture de La Délicatesse, un roman évoqué chez Pascale Clark à l’occasion de la parution des Souvenirs, du même auteur, à savoir David Foenkinos (un nom aussi étrange que le personnage de Markus). Pour une fois que je dévore un roman en trois jours sans être en vacances. C’est sorti en Folio et facile à lire, alors que la collection blanche de Gallimard a toujours tendance à m’impressionner.
Comment vous dire ? C’est léger et grave à la fois, le style est plein de poésie tout en étant prosaïque. Le narrateur s’incruste habilement dans le texte. Le saugrenu fait souvent irruption dans le récit. J’ai accroché rien qu’en lisant l’incipit (un prénom qui m’est cher). En le lisant, je me suis dit que le romancier était quarantenaire, eu égard aux références qui faisaient écho en moi, et je n’étais pas loin de la vérité. Depuis, suis allée voir son blog et j’ai pu constater qu’il était paresseux… ou débordé plus probablement. Son roman s’est vendu à des milliers d’exemplaires en deux ans alors que l’un de mes livres, sorti au même moment, va partir au pilon. Au moins, je suis sûre de ne pas attraper le melon, d’autant qu’on arrive en fin de saison. Après tout, cent millions d’ouvrages sont broyés chaque année, en France. Alors pas de quoi pleurnicher ! Pilon, incipit, mais qu’est-ce qu’elle raconte ce soir ? Eh bien ouvrez donc un bon vieux dictionnaire au lieu de tapoter sur votre iPhone. Je vais les mettre au pilon, moi, ces fichus iPhone-qui-savent-tout-tout-de-suite. Un autodafé de iPhone, vous pensez que ça dégage du carbone ?
Est-ce l’effet de Vignes, vins & randos du week-end dernier ? Ce soir, on a failli innover avec « Piscine, guinguette & Picon » Mais nous nous sommes contentées de la guinguette… et du Picon. Trop de monde à la caisse du Carré d’Ô, possiblement trop de monde dans l’eau, bref, on a rebroussé chemin, direction le pont Wilson. Tours-sur-Loire va bientôt fermer, après tout, il faut en profiter jusqu’au week-end de clôture, qui sera marqué par le marché Convergences bio. Au passage, j’ai adhéré à Slow Food hier et participé à ma première réunion du Convivium Tours-Val de Loire, conviviale, gourmande et engagée. J’ai frappé à la bonne porte et ça promet de bons moments.
L’été s’effrite et la rentrée, même sans cartable, nous apporte son lot de nouveautés, comme pour compenser la baisse de luminosité, la morosité sociale et l’austérité annoncée. De bons films (Honoré, Téchiné…), d’excellents romans (ma moitié m’a offert le nouveau Emmanuel Carrère) et des CD à savourer. Découvert hier, même si ça date un peu, celui de Laetitia Velma, produite par Dominique A, qui réapparaît pour l’occasion avec quelques concerts à ses côtés, avant sa propre tournée prévue en 2012 (au Châtelet, au Lieu unique… yes !). Séduction immédiate, influence oblige.
Une rentrée culturellement foisonnante, donc, au moment même où il faut se remettre à bosser. C’est malin. Aller au ciné avec un iPod sur les oreilles et un bon bouquin, je ne vois que ça. Ben oui, mais comment je vais faire pour nager si j’ai les mains prises ?
Ce week-end, pèlerinage annuel à Chaumont-sur-Loire. A croire qu’il y règne un micro-climat. Depuis dix ans que je fréquente ce lieu magique, le soleil y a toujours régné, plus ou moins puissant, parfois écrasant. Pèlerinage avec Marie et Fred, évidemment, sans qui la visite méthodique des 24 jardins perd de sa saveur. Un détour par le Vallon des brumes, une pause au bar des glaces aux parfums improbables et le bonheur est à son comble. On peut alors s’en retourner à Tours et trinquer autour d’un pétillant.
Sur le thème de « l’art de la biodiversité heureuse », quelques belles trouvailles pour cette 20e édition : Lucy in the sky, fantastique jardin urbain fait de cageots et d’épiphytes avec vue sur des métropoles ; Le Laboratoire, ou comment un jardin renaît après un cataclysme ; Sculptillonnages, jardin inventif et ludique avec des « champicomposteurs » et autres inventions à l’attention de la petite faune : tournesol abri à abeilles solitaires, abreuvoir à papillons, réservoir à nourriture pour oiseaux ; La Transparence du ver et ses tunnels de branchages, « le corps sous terre et la tête à fleur de tige ». Le prix de la créativité pourrait revenir au jardin « Manier avec précaution », métaphore médicale des menaces qui pèsent sur la nature, plantée de perfusions et de béquilles autour d’un lit végétalisé où l’on s’allongerait volontiers pour quelques soins. En écho à cet hôpital de verdure, Le Jardin des plantes disparues évoque un cimetière militaire avec ses alignements d’étiquettes portant le nom scientifique d’espèces botaniques disparues. Enfin, on citera pour son pragmatisme écologique Le Jardin à la rue, où les stations de lagunage longent le trottoir, où des liants à base d’algues remplacent le bitume, où des baobabs ventrus récupèrent les eaux de pluie…
Pendants frivoles de ces préoccupations légitimes, « Le Bijou » de Loulou de la falaise, scintillant et coloré, et la roulotte de « Mme Irma » offrent une bouffée de fantaisie dans ce haut lieu culturel et cultural.

Des couleurs pop et acidulées comme dans la première partie des Bien Aimés. Hommage à Béatrice Myself, croisée ce matin, sur son petit vélo. Légère et grave comme une chanson d'Alex Beaupain.
Adolescent, on le redevient devant un film de Christophe Honoré, a fortiori devant Les Bien Aimés, titre à la fois simple et précieux – qui ose encore, ma foi, désigner ainsi son adoré(e) ? Ça captive, ça palpite, on aimerait que ça dure tant c’est limpide et tant on s’y retrouve, malgré des époques et des lieux qu’on n’a pas forcément connus. L’hôtel Kuntz, j’en mettrais ma main à couper, va devenir un mythe. J’ai vérifié : il existe. Dans le 10e, pas très loin de mon ancien appartement. Je meurs d’envie d’y réserver une chambre avec un vieil amant, les escarpins en moins ! C’est 74 euros la twin avec une déco ringard. La réclame, sur Internet, y garantit « un souvenir inoubliable ». Quant à la rue Stephenson, située à la Goutte d’Or, elle porte le nom de l’ingénieur anglais qui construisit la première locomotive. « I was waiting at the station when the train came in », chante Stuart Moxham dans le générique de fin. Ça tombe bien.