Hoazin.fr : le blog de Catherine Levesque
Adolescent, on le redevient devant un film de Christophe Honoré, a fortiori devant Les Bien Aimés, titre à la fois simple et précieux – qui ose encore, ma foi, désigner ainsi son adoré(e) ? Ça captive, ça palpite, on aimerait que ça dure tant c’est limpide et tant on s’y retrouve, malgré des époques et des lieux qu’on n’a pas forcément connus. L’hôtel Kuntz, j’en mettrais ma main à couper, va devenir un mythe. J’ai vérifié : il existe. Dans le 10e, pas très loin de mon ancien appartement. Je meurs d’envie d’y réserver une chambre avec un vieil amant, les escarpins en moins ! C’est 74 euros la twin avec une déco ringard. La réclame, sur Internet, y garantit « un souvenir inoubliable ». Quant à la rue Stephenson, située à la Goutte d’Or, elle porte le nom de l’ingénieur anglais qui construisit la première locomotive. « I was waiting at the station when the train came in », chante Stuart Moxham dans le générique de fin. Ça tombe bien.
Samedi dernier, j’ai exploré la rive sud, de l’autre côté de l’eau comme on dit là-bas. Je voulais fouler le sol de la pêcherie traditionnelle de Corsept, inaugurée il y a un an par la commune, qui la loue toute l’année au port de la Maison verte. Le temps était superbe, le soleil écrasant, c’était mortes eaux et les oiseaux picoraient nombreux sur les vasières : avocettes, tadornes, huîtriers, courlis… Sur les ruines d’une ancienne pêcherie reposait une belle brochette d’échassiers – héron cendré, héron garde-boeuf, aigrette garzette – aux côtés des intrus cormoran et goéland. Au loin a décollé le Beluga d’Airbus, un gros avion cargo qui transporte des fuselages et autres pièces de puzzles aéronautiques. On voit souvent planer sa silhouette caractéristique dans le ciel changeant de l’estuaire. Je ne me lasse pas d’observer en vol ce sosie aérien du cétacé, qui semble toujours trop chargé.
J’ai été séduite par la pêcherie communale, et je ne suis pas la seule, puisqu’elle a été louée 88 fois depuis le début de l’année, le temps d’une marée (moyennant 30 euros). Sa silhouette à elle m’évoque celle d’une araignée dont le carrelet serait la toile. Il n’est pas difficile de relever ce large filet carré qui capture bien souvent des mulets, des anguilles et des poissons plats.
Cinq cents mètres en aval, l’Observatoire des géants industriels a dépaysé mes jumelles. Une table d’orientation très bien faite décrypte le paysage industriel complexe et touffu qui s’offre à nos mirettes, rive nord. On comprend enfin le rôle précis des nombreux terminaux : l’un pour le charbon, l’autre pour les denrées agricoles… Et les gros cargos de filer sur l’eau. C’est précisément en contrebas que passera bientôt l’itinéraire de la Loire à vélo.
Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé cette BD, les dessins de Stanislas, et j’attends impatiemment la suite de « l’énignatique Monsieur Schmutz ». Apparemment, il y aura quatre autres tomes. Si quelqu’un connaît la date de parution, je suis preneuse ! Malheureusement, j’ai beau aimer les palmipèdes, je n’avais pas de canard doré dans mon album, qui m’aurait donné droit à une planche originale…
J’avais adoré Kitchen Stories, un film norvégien insolite qui dépeignait un Institut suédois en visite dans le village de Landstad en vue d’étudier la routine des hommes célibataires dans leurs cuisines. On y voyait un observateur appliqué, juché sur une chaise d’arbitre de tennis, observant les faits et gestes d’un paysan solitaire à ses fourneaux. Ce comique burlesque et doux amer, qui n’est pas sans rappeler l’univers du Finlandais Arto Paasilinna, se retrouve dans Happy, happy, bien qu’il s’agisse ici d’un premier long métrage. Dans un paysage enneigé, un couple un peu moribond voit s’installer de nouveaux voisins, quarantenaires comme eux, a priori épanoui. Kaia, joviale à l’envi, leur dévoile rapidement ses frustrations conjugales. Ce qu’on ne comprend pas forcément dans le film, c’est qu’elle incarne le positivisme inébranlable des Happy Christians, une communauté du sud de la Norvège à l’optimisme forcené. Derrière la psychologie un peu simpliste des quatre protagonistes et de leurs enfants se cache une vision pour le moins caustique de la vie de couple, avec cette fraîcheur – et pas seulement météorologique ! – propre aux Scandinaves. Le tout entrecoupé de chants d’un quatuor déconcertant qui ajoute à la singularité de l’ensemble.
Cela dit, j’ai quand même passé un bon week-end, entre Nantes et Tours, et multiplié les verres au bord de l’eau : un café au bord de l’Erdre, marqué par une dame tonitruante en T-shirt bleu roi Breizh 44 à faire défaillir le préfet de Loire-Atantlique ; un panaché à la Guinguette-Nouvelle de Saint-Avertin, près de Tours, vraiment au vert, les pieds dans le Cher, avec un concert très sympa de Malakit en acoustique : ah, la belle voix de Juliette Rillard et son hommage très réussi à Jane Birkin, ave l’accent !
Hier soir, un Picon bière (enfin) à la guinguette de Tours-sur-Loire après trois heures de randonnée à Genillé, au bord de l’Indrois. Marie et moi, on a fui à cause du zouk. Zou !
Légende photos : A la Guinguette-La-Nouvelle de Saint-Avertin, mobilier Fermob et déco de Michel Gressier, façon Lego et pavoisements.
En repartant vers mes pénates, je vois une affiche en vitrine, rue Nationale : « SOLDES FLOTTANTES, prolongation jusqu’au 2 août ». Pourtant, je n’étais pas devant Petit Bateau. J’ai passé mon chemin, mes cabas pleins à la main. Je ne crains pas le mal de mer, mais quand même. Trop de rabais, ça me fait tanguer.