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    Posts Tagged ‘Le Voyage à Nantes’

    Blaise en buisLa newsletter de juin que j’ai rédigée pour le Festival international du film ornithologique de Ménigoute est en ligne. J’en profite pour l’illustrer par le poussin de Claude Ponti, réalisé en buis dans le Jardin des plantes de Nantes, particulièrement en beauté ces temps-ci. A visiter sans tarder, tout comme le parcours Green Island.

    Je lis La Forme d’une ville, de Julien Gracq. L’ouvrage, à l’ancienne, impose que je déchire ses pages avec un coupe-papier. Preuve supplémentaire que cette écriture complexe se mérite. L’effort du geste prépare à la concentration. Bien avant de noircir des feuilles volantes sur la ville de son adolescence, l’Angevin écrivit : « Le cœur de Nantes battra toujours pour moi avec les coups de timbre métalliques des vieux tramways jaunes virant devant l’aubette de la place du Commerce, dans le soleil du dimanche matin de mes sorties — jaunet et jeune, et râpeux comme le muscadet. » Le tramway a changé de couleur et le muscadet gagné en qualité.

    Beaucoup de médias, dont Télérama, ont raté le Van. Comprenez le Voyage à Nantes. Rien dans ses colonnes sur la portion de façade signée Leandro Erlich qui défie les lois de la gravité place du Bouffay. Une vision surréaliste, surtout au crépuscule, sous la bruine, qui aurait séduit André Breton : « Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine », écrivait-il en 1928. Ratage ou excès de parisianisme ? Rien sur cet « archipel d’îlots changeants », comme l’appelait Jules Verne, qui investit dans une culture détonante et détonnante quand nombre de villes font grise mine. L’air de l’amer ne souffle pas sur Nantes, passée, comme l’a joliment écrit le philosophe local Jean-Claude Pinson, « du prolétariat au poétariat »

    Je n’ai pas suivi la ligne rose sur le trottoir. En bonne dissidente, j’ai suivi mon instinct. J’ai coupé par la rue Harouys, celle d’où retentit certains soirs le son des binious. J’ai rejoint le passage Pommeraye. Première étape chez Agnès Varda, qui y a reproduit la boutique de téléviseurs de Piccoli dans Une chambre en ville, de Jacques Demy, tourné en partie dans ce passage couvert hors du temps. Sur les écrans, des images d’archives des quais de la Loire à Nantes, des gens qui votent à Noirmoutier, des chalands et des passants… Trop de monde sur la place Royale, où trône un mont Gerbier-de-Jonc plus proche du mamelon que du dôme ardéchois. Et tellement vert synthétique. Alors j’emprunte la passerelle et je prends un grand bol d’air estuarien, celui qui qui vient de la mer. Ça tangue un peu et le palais de justice, en face, est aussi raide qu’elle. Et tellement noir. La structure métallique du bâtiment Manny m’attire comme un aimant. J’avoue traverser le Zebra Crossing sans m’en apercevoir. Si un panneau ne me l’avait pas soufflé, je n’aurais pas remarqué les globes jaunes « Belisha beacons ». Le magasin de design dans lequel je m’engouffre a remporté la mise. J’y repère une lampe Stark, Miss Sissi, modèle rouge. Je viens de craquer pour une sculpture lumineuse Akari (terme japonais utilisé pour exprimer la clarté ou la lumière), d’Isamu Noguchi. Mais on n’a jamais assez de lumière. Rendez-nous la lumière chante Dominique A. En ressortant de cet espace enchanteur, je m’arrête un instant. La façade chante, justement. Rolf Julius a voulu la rendre audible et ça marche. Il a fait « de la musique pour les yeux ».

    Pendant ce temps, sur le toit de l’école d’archi, on joue au banaball, un sport hybride entre la balle au prisonnier et la pelote basque, où les chisteras se déguisent en banane. C’est l’un des dispositifs des Playgrounds, les JO décalés du Lieu unique. Cette grande banane allongée, on la repère depuis les bords de Loire, comme un clin d’œil au Velvet en haut de cette Factory qu’est l’Ensa. La vue est belle à 360° mais la température n’est pas à la hauteur. Le vent souffle. Je boude les transats lestés de sacs de sable et m’amuse à contempler la Tour Bretagne dans une lunette facétieuse qui la transforme en Empire State Building.

    Passé l’Absence, un curieux café snack niché dans une œuvre pérenne d’Estuaire 2009, quelques timides expérimentent les installations éphémères du quai, Mille Plateaux : tables, bancs, hamacs, que l’on peut s’approprier le temps d’une sieste, d’un pique-nique ou d’un apéro… J’ai les pieds qui surchauffent. Je m’en retourne rive droite. La ville, c’est bien vrai, est renversée par l’art. Ce n’est que ma première exploration urbaine du Van. Et j’ai jusqu’au 19 août pour m’immerger dans ce foisonnement de créativité. « Transformer le splendide gaspillage de la vie dans la sublime économie de l’art » (Henry James, via Dominique A).