Rubrique ‘Escapades’
Les bateaux m’ont poursuivie jusque dans le train, alors que je fais le grand écart ferroviaire entre Orléans et Nantes en cette belle journée d’automne estivale. A ma gauche, un petit garçon a jaugé jusqu’à Mer (eh oui, ça existe) sa maquette de chaland. Rien ne manquait : le girouet, la piautre, le gréement carré.
Sur les quais d’Orléans, il y en a 226 grandeur nature qui sont rassemblés jusqu’à demain (jour de la grande parade), à l’occasion de la 5e édition du Festival de Loire. Ce matin, il y régnait une effervescence qui donne une bonne idée du trafic qui animait le fleuve il y a deux siècles. Parmi toutes ces embarcations, la moitié représente la batellerie ligérienne, un quart les autres fleuves et canaux français (ou hollandais, invités d’honneur), le reste étant composé de petits bateaux de plaisance et de canotage.
Jusqu’à l’arrivée du chemin de fer, au XIXe siècle, Orléans était le premier port fluvial de France. Sur l’eau, ce matin, on pouvait voir naviguer de concert l’Inexplosible, réplique d’un bateau à vapeur local ; une barque de poste venue du Canal de Midi ; un as de la godille et un impressionnant « train de bateaux » que les mariniers faisaient avancer en plantant leur bourde (une longue perche) au fond de l’eau – peu profonde, surtout en cette année de fort étiage. Les visiteurs peuvent évidemment naviguer sur quelques futreaux et autres bateaux à fond plat. Personnellement, j’ai testé La Matelote, une toue cabanée de Bréhémont (capitale de la poire tapée par ailleurs) et non le plat d’anguilles bien connu. Un seul regret : pas vu Souchon ramer dans son canoë.
Est-ce l’effet de Vignes, vins & randos du week-end dernier ? Ce soir, on a failli innover avec « Piscine, guinguette & Picon » Mais nous nous sommes contentées de la guinguette… et du Picon. Trop de monde à la caisse du Carré d’Ô, possiblement trop de monde dans l’eau, bref, on a rebroussé chemin, direction le pont Wilson. Tours-sur-Loire va bientôt fermer, après tout, il faut en profiter jusqu’au week-end de clôture, qui sera marqué par le marché Convergences bio. Au passage, j’ai adhéré à Slow Food hier et participé à ma première réunion du Convivium Tours-Val de Loire, conviviale, gourmande et engagée. J’ai frappé à la bonne porte et ça promet de bons moments.
L’été s’effrite et la rentrée, même sans cartable, nous apporte son lot de nouveautés, comme pour compenser la baisse de luminosité, la morosité sociale et l’austérité annoncée. De bons films (Honoré, Téchiné…), d’excellents romans (ma moitié m’a offert le nouveau Emmanuel Carrère) et des CD à savourer. Découvert hier, même si ça date un peu, celui de Laetitia Velma, produite par Dominique A, qui réapparaît pour l’occasion avec quelques concerts à ses côtés, avant sa propre tournée prévue en 2012 (au Châtelet, au Lieu unique… yes !). Séduction immédiate, influence oblige.
Une rentrée culturellement foisonnante, donc, au moment même où il faut se remettre à bosser. C’est malin. Aller au ciné avec un iPod sur les oreilles et un bon bouquin, je ne vois que ça. Ben oui, mais comment je vais faire pour nager si j’ai les mains prises ?
Samedi dernier, j’ai exploré la rive sud, de l’autre côté de l’eau comme on dit là-bas. Je voulais fouler le sol de la pêcherie traditionnelle de Corsept, inaugurée il y a un an par la commune, qui la loue toute l’année au port de la Maison verte. Le temps était superbe, le soleil écrasant, c’était mortes eaux et les oiseaux picoraient nombreux sur les vasières : avocettes, tadornes, huîtriers, courlis… Sur les ruines d’une ancienne pêcherie reposait une belle brochette d’échassiers – héron cendré, héron garde-boeuf, aigrette garzette – aux côtés des intrus cormoran et goéland. Au loin a décollé le Beluga d’Airbus, un gros avion cargo qui transporte des fuselages et autres pièces de puzzles aéronautiques. On voit souvent planer sa silhouette caractéristique dans le ciel changeant de l’estuaire. Je ne me lasse pas d’observer en vol ce sosie aérien du cétacé, qui semble toujours trop chargé.
J’ai été séduite par la pêcherie communale, et je ne suis pas la seule, puisqu’elle a été louée 88 fois depuis le début de l’année, le temps d’une marée (moyennant 30 euros). Sa silhouette à elle m’évoque celle d’une araignée dont le carrelet serait la toile. Il n’est pas difficile de relever ce large filet carré qui capture bien souvent des mulets, des anguilles et des poissons plats.
Cinq cents mètres en aval, l’Observatoire des géants industriels a dépaysé mes jumelles. Une table d’orientation très bien faite décrypte le paysage industriel complexe et touffu qui s’offre à nos mirettes, rive nord. On comprend enfin le rôle précis des nombreux terminaux : l’un pour le charbon, l’autre pour les denrées agricoles… Et les gros cargos de filer sur l’eau. C’est précisément en contrebas que passera bientôt l’itinéraire de la Loire à vélo.
Cela dit, j’ai quand même passé un bon week-end, entre Nantes et Tours, et multiplié les verres au bord de l’eau : un café au bord de l’Erdre, marqué par une dame tonitruante en T-shirt bleu roi Breizh 44 à faire défaillir le préfet de Loire-Atantlique ; un panaché à la Guinguette-Nouvelle de Saint-Avertin, près de Tours, vraiment au vert, les pieds dans le Cher, avec un concert très sympa de Malakit en acoustique : ah, la belle voix de Juliette Rillard et son hommage très réussi à Jane Birkin, ave l’accent !
Hier soir, un Picon bière (enfin) à la guinguette de Tours-sur-Loire après trois heures de randonnée à Genillé, au bord de l’Indrois. Marie et moi, on a fui à cause du zouk. Zou !
Légende photos : A la Guinguette-La-Nouvelle de Saint-Avertin, mobilier Fermob et déco de Michel Gressier, façon Lego et pavoisements.
En ce moment, dans les prairies, les cigognes blanches ne sont pas rares et j’ai même vu deux spatules depuis l’observatoire de la réserve du Massereau qui, elle, se visite avec un guide. Un peu plus loin (il est long, ce canal parallèle à la Loire !), au Migron, il y a le Quai vert, un lieu à la fois culturel et touristique où l’on peut boire un verre au vert, faire du canoë, de l’aviron, du tandem… Si vous passez les deux petits ponts, vous empruntez le chemin des Carris qui mène directement au bord du fleuve, face à la centrale de Cordemais. On voit la fameuse Villa Cheminée de Tatzu Nishi, tellement plébiscitée qu’il faut réserver six mois à l’avance pour y passer une nuit… En chemin, il n’est pas rare de voir des hérons garde-boeuf trottiner près des troupeaux et, dans les roselières, des gorgebleues à miroir et autres passereaux paludicoles. Bref, encore un lieu unique que la Loire recouvrait entièrement, il fut un temps.
Elle nous a vues venir, Josette, dans son minuscule café. Quatre vacancières en goguette, prêtes à tout pour boire l’apéro sur la place de l’Eglise, à Cassaniouze. Contre toute attente, la note a été plus salée que le jambon de pays et on a pu vérifier que l’Auvergne n’est pas une terre de vignoble. On ne peut pas tout avoir. Des fromages succulents, c’est déjà pas mal.
Le Cantal, c’est encore une de ces contrées où l’on peut boire un verre en ayant l’impression de s’inviter chez les gens. L’autochtone vous dévisage sur le pas de la porte, puis vous propose son apéritif de gentiane ou son Birlou. Là, vous regrettez immédiatement d’avoir choisi le verre de blanc.
Il y a aussi les petits miracles. Vous crapahutez une heure trente pour atteindre le ravissant hameau de La Vinzelle, dans l’Aveyron (à la frontière de la Châtaigneraie cantalienne) et paf, l’Auberge du Peyral vous tend les bras avec son panorama incroyable. Ça tombe bien, il est midi et vous avez un p’tit creux. C’est l’occasion de goûter le gâteau aux noix, qui tient au corps. De câliner un chat bonsaï mou comme une chiffe, qui, selon l’aubergiste, ne grandira plus jamais. Comme le temps s’est arrêté ici, nous ne grandirons plus non plus.