Rubrique ‘Bonnes feuilles’
Le Japon fascine beaucoup de gens. Je ne fais pas exception. Et c’est pire depuis que je sais que je n’y mettrai peut-être jamais les pieds. Alors je me console en dévorant des makis sans thon rouge. Ces temps-ci, j’ai trois petits favoris. Des vrais et des faux Japonais. Commençons par le faux : le professeur Tatsu Nagata, membre du Tokyo Scientific Institute. Âgé de 50 ans, il vit sur l’île de Yaku. Expert mondial des mutations des batraciens, ce scientifique reconnu voue sa vie aux sciences naturelles pour faire aimer la nature aux tout-petits. C’est un peu le Tryphon nippon, avec une loupe à la place du cornet acoustique. Rarement en déplacement sur le Vieux Continent, Tatsu Naga a son porte-parole en France, Thierry Dedieu, qui nous parle de ses petites bêtes. Parmi elles, l’escargot, la fourmi, le hérisson, le ver de terre, l’araignée, la grenouille, la chouette et le phasme ont bénéficié d’un traitement de faveur. Elles font l’objet d’une compilation qui regroupe huit titres de la collection de cet érudit, néanmoins accessibles dès la maternelle. Mais je vous rassure, on comprend aussi quand on est plus grand, et moi, j’adore l’humour comme le graphisme de ces monographies acidulées.
Visons maintenant la tranche d’âge supérieure avec mon deuxième protégé, Florent Chavouet, auteur de Tokyo Sanpo (merci Jérôme) et de Manabé Shima, sortes d’ovnis entre BD et carnet de voyage, avec un sens du détail qui confine à l’obsession. Bien que je n’aie pas été invitée au vernissage (comme quoi les journalistes ne sont pas tous des vendus !), je vous signale qu’une expo lui est consacrée dans le magasin UAH^, rue de l’Arbre-Sec, à Paris (tiens, c’est quoi cette rue ?). Vous pourrez mettre dans votre hotte des originaux, des inédits et des produits dérivés (bentos, badges, tabliers…), explique ce garçon talentueux sur son blog. Certains dessins réalisés uniquement pour l’occasion seront même en vente et il fera des dédicaces le 10 décembre. J’espère au moins qu’il m’enverra un JPG pour mon blog. Enfin j’dis ça… j’dis rien. J’dis tellement rien que vous n’avez pas compris ce qu’il fait exactement. Comme j’ai la flemme de vous expliquer, allez donc voir Le Journal du Japon, tiens. Après tout, je ne suis pas payée pour faire ce blog. Alors.
A partir d’aujourd’hui, je vous livrerai chaque semaine une idée de cadeau de Noël. Je dis bien « livrer » car il s’agira bien souvent de livres, mais pas que. Le choix s’effectue à l’instinct, en fonction de mes trouvailles de l’année. Je vous invite grandement à vous les procurer dans des librairies indépendantes, qui souffrent beaucoup ces temps-ci. Pour le reste, privilégiez autant que possible les productions locales et respectueuses de l’environnement. En faisant un petit présent, pensez à l’avenir ! (La vache, j’aurais dû bosser dans la pub, moi…)
En ce vendredi gris, mon choix se porte sur un ouvrage sympa qui s’appelle Raisins, dans la collection « Terra curiosa » de l’inventif éditeur Plume de Carotte, qui compte aussi des équivalents sur les plantes à bonbon, les plantes à teinter et les tomates. Ça coûte 20 euros, c’est très bien fichu et exigeant, comme toujours chez cet éditeur. Vous allez me dire, mais pourquoi le raisin ? Pour le vin pardi ! D’abord, on découvre tout sur l’histoire de la vigne, les pépins préhistoriques et les vins antiques (la vigne et les Romains, les Grecs, la vigne au Moyen Age…). Puis on plonge dans ce que l’on appelle pompeusement l’ampélographie (l’occasion d’épater la galerie au réveillon), c’est-à-dire la science des cépages. Où l’on apprend que la lambrusque est la vigne sauvage. En botanique, il s’agit d’une liane. Je vous vois déjà imaginant Tarzan évoluant dans un rang de chenin… Passons ! Après, il y a eu un tas de diversifications.
L’auteur, Serge Schall (un ingénieur agronome auteur de nombreux ouvrages sur le jardin et les plantes, chez Hachette), se penche ensuite sur les terroirs et la localisation des vignobles, puis sur la culture de la vigne : le bon sol, la taille (eh non, la taille en vert n’est pas une vigne taillée en forme de verre !), les maladies, la multiplication. On arrive ensuite à l’inventaire des cépages, avec des photos grandeur nature des grappes (26 en l’occurrence, dont le cabernet-sauvignon, le cabernet franc, la clairette, le pinot noir, le pinot meunier, la syrah…). Point de pineau d’Aunis, mais on ne prétend pas ici à l’exhaustivité. Que voulez-vous, il faut bien pouvoir critiquer.
Les deux derniers chapitres sont consacrés aux années noires de la vigne (avec pour noms de code oïdium, mildiou et phylloxera) et au jus de raisin (ah, l’ampélothérapie !)
Sans oublier les raisins secs, avec un hommage à l’auteur qui, lui, n’a pas séché pour compiler autant d’infos au fil de pages richement illustrées.
Le « plus produit » diraient les gens du marketing : un livret de recettes et une belle reproduction de vieille gravure glissés en deuxième de couverture. Autant vous dire, une valeur sûre, qu’on associera astucieusement à Ma cave à vin (éditions Stéphane Bachès, 16 €) pour les maniaques qui veulent recenser leurs bonnes bouteilles à l’ancienne. C’est un hasard, mais ils ont le même format, ce qui permet de faire un seul papier cadeau. Feignasses !
« Quand un philosophe me répond, je ne comprends plus ma question », a déclaré Pierre Desproges. J’ai beaucoup de respect pour les philosophes, mais j’avoue que j’adore cette phrase drôle, qui a un fond de vrai. Quand j’y repense, j’ai le sourire aux lèvres. Ce sourire aux lèvres, je l’ai gardé durant toute la lecture de La Délicatesse, un roman évoqué chez Pascale Clark à l’occasion de la parution des Souvenirs, du même auteur, à savoir David Foenkinos (un nom aussi étrange que le personnage de Markus). Pour une fois que je dévore un roman en trois jours sans être en vacances. C’est sorti en Folio et facile à lire, alors que la collection blanche de Gallimard a toujours tendance à m’impressionner.
Comment vous dire ? C’est léger et grave à la fois, le style est plein de poésie tout en étant prosaïque. Le narrateur s’incruste habilement dans le texte. Le saugrenu fait souvent irruption dans le récit. J’ai accroché rien qu’en lisant l’incipit (un prénom qui m’est cher). En le lisant, je me suis dit que le romancier était quarantenaire, eu égard aux références qui faisaient écho en moi, et je n’étais pas loin de la vérité. Depuis, suis allée voir son blog et j’ai pu constater qu’il était paresseux… ou débordé plus probablement. Son roman s’est vendu à des milliers d’exemplaires en deux ans alors que l’un de mes livres, sorti au même moment, va partir au pilon. Au moins, je suis sûre de ne pas attraper le melon, d’autant qu’on arrive en fin de saison. Après tout, cent millions d’ouvrages sont broyés chaque année, en France. Alors pas de quoi pleurnicher ! Pilon, incipit, mais qu’est-ce qu’elle raconte ce soir ? Eh bien ouvrez donc un bon vieux dictionnaire au lieu de tapoter sur votre iPhone. Je vais les mettre au pilon, moi, ces fichus iPhone-qui-savent-tout-tout-de-suite. Un autodafé de iPhone, vous pensez que ça dégage du carbone ?
Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup aimé cette BD, les dessins de Stanislas, et j’attends impatiemment la suite de « l’énignatique Monsieur Schmutz ». Apparemment, il y aura quatre autres tomes. Si quelqu’un connaît la date de parution, je suis preneuse ! Malheureusement, j’ai beau aimer les palmipèdes, je n’avais pas de canard doré dans mon album, qui m’aurait donné droit à une planche originale…