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Chez Vieira
Ce soir, premier pot-au-feu de la saison au restaurant de l’Hôtel du Midi, dans le sud du Cantal, tenu par deux sœurs et un frère du cru un peu taiseux. Comme toujours (ou presque) sur ce territoire que j’explore en long en large et en travers, de la générosité dans l’assiette, de bons produits à prix tout doux et une grande gentillesse. Hier, ce fut une autre affaire. Rencontre avec un grand chef qui monte, Serge Vieira, Auvergnat d’origine portugaise établi depuis 2009 au-dessus de Chaudes-Aigues. Deux macarons au Michelin, deux menus (pas de carte), dont le premier à 68 euros et l’autre à 98. Autant dire une aubaine pour une gastronomie de haute volée, créative et délicate, soutenue par une belle carte des vins (400 références, dont pas mal de bio). A noter, chose rare dans les grandes tables, une jolie sélection du Val de Loire (Marie-Aude, sa femme, est tourangelle et c’est sa chasse gardée !) et quelques bons vins bougnats. Difficile de décrire un tel raffinement culinaire, l’excellence du service (pro mais détendu) et le panorama qui s’offre à vos yeux comme si la vue sur l’assiette ne suffisait pas !
J’ai parfois été déçue par des « étoilés » durant mon humble carrière en presse gastro, mais là, non. Sensible aux enjeux écologiques, Serge Vieira, 36 ans, grand gaillard aux airs de rugbyman, est accessible et affable. Locavore autant que possible, il s’efforce de mettre en place des logistiques plus respectueuses de l’environnement avec ses fournisseurs (son eau plate est produite sur place) et change ses menus toutes les trois semaines pour coller au mieux à la saison. Une façon aussi de travailler des produits abordables qui justifient une addition digeste. Et d’éviter la routine qu’il redoute au plus haut point. Même depuis ses cuisines impeccables la vue sur l’Aubrac est belle. Feuillus sur un versant, conifères sur l’autre, héron paresseux ou geai affairé en vol, on savoure le paysage qui s’anime derrière une discrète mais large baie vitrée, dont la courbe épouse celle de la colline. De l’épure, de la lumière plein sud et le respect du goût pour chaque ingrédient. Chaque mets impose une pause pour calmer les papilles en émoi. Puis l’on s’en retourne par une solennelle allée de tilleuls et de frênes, transition symbolique vers un monde ordinaire.
J’aime le Cantal et n’ai qu’un reproche à lui faire : qu’il n’y ait pas la mer. Sinon, j’aime tout : ses fromages AOP, ses paysages variés, ses habitants, ses bourriols, sa charcuterie, ses belles bâtisses, le calme qui y règne, ses puys endormis, ses plateaux désolés, le profil du puy Mary, le sommet du puy Griou, ses vaches, ses cochons, ses petits bistrots sur des places improbables, ses couteaux… et Murat (surtout sa librairie). Et l’auberge d’Aijean, et Alta Terra, et La Roussière. Et l’Auberge des montagnes. Et Serge Vieira. Et l’Artense. Bref, j’aime le Cantal. J’y ai passé pas mal de temps dernièrement et ça se voit sur le nouveau site que le comité départemental du tourisme vient de lancer – www.cantal-destination.com – pour lequel j’ai rédigé un tas de sujets en sillonnant le département par tous les temps. De très belles rencontres, d’excellents souvenirs gastronomiques, des petits bonheurs indicibles et jamais de lassitude pour ce territoire exceptionnel où mes pas toujours me ramènent.