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    La couverture du Dictionnaire philiosophiqueEncore tourneboulée par La Vie d’Adèle et ses amours contrariées, sa justesse, sa fluidité et ses beaux arbres,  je suis allée me rasséréner à La Boîte à livres autour d’une rencontre avec André Comte-Sponville, un philosophe à la pensée fluide, elle aussi. Il venait y parler de son Dictionnaire philosophique, que j’ai acheté il y a quelque temps, un pavé qu’il a rédigé sur une vingtaine d’années, paru en 2001 et enrichi  cette année de 394 entrées. Au total, 1 654 définitions. André Compte-Sponville, non dénué d’humour, a compté : à raison d’une définition par jour, il vous faudra 4 ans et demi pour le lire !

    La plus longue fait six pages et demi et concerne, devinez… l’amour, « un mot plurivoque, selon que l’on considère l’amour passion (eros), l’amour de ce qui réjouit ou amitié (philia) ou l’amour du prochain (agapè ou caritas) ».

    Quand lui est venue l’idée d’un dictionnaire philosophique, voilà une trentaine d’années, il s’est inspiré des Définitions d’Alain, « genre littéraire et philosophique à part entière », et de celui de Voltaire, plus impertinent, pour élaborer non pas des définitions canoniques, mais se prêter à l’exercice paradoxal qui consiste à « concilier la rigueur et la clarté à la subjectivité et à la singularité ».

    Au final, bien que je sois loin d’avoir tout lu, cet ouvrage usuel « prend le langage au sérieux, parce qu’on ne pense qu’avec des mots et qu’il n’y a de philosophie que discursive ».

    Penser sa vie pour vivre sa pensée

    On sent bien la volonté de ce brillant normalien, ex-prof à La Sorbonne, qui rejoint celle de Diderot : « Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire ! ». Un souci légitime quand l’obscurantisme est toujours souterrain. « La philosophie sert à penser mieux pour vivre mieux, à sauver sa peau et son âme », se plaît à dire ce soixantenaire élégant, veste en velours grise et chemise blanche.

    Attentif à l’évolution du monde, le philosophe a bien sûr ajouté des néologismes à son dico : développement durable, décroissant, adulescent, beaufitude même, « mélange de machisme, de bêtise et de vulgarité » !

    La philosophie, dit-il, c’est aussi « apprendre à parler pour se taire ». La sagesse, ainsi, se reconnaîtrait à une certaine qualité de silence. Reste à ne pas confondre le but et le chemin. Gageons que ce beau livre m’accompagnera sur le sentier, toujours singulier, vers l’universel pour, comme il l’a joliment écrit dans sa dédicace « ne pas se perdre dans la forêt des mots et des idées ».