Posts Tagged ‘Paris’
Quoi qu’en dise ma comparse « nippone » dans un de ses posts, on est encore loin du printemps et plus encore de l’été si l’on se contente de mettre le nez dehors, alors pourquoi des cerisiers et des prunes, me direz-vous ? Parce que samedi dernier, je suis allée prendre mon cours de makis à l’atelier de Sakura, au restaurant Sous les cerisiers (voir le post de ma première expérience à cette excellente table franco-japonaise). Outre un thé genmaicha en guise d’accueil, j’y ai bu la fameuse liqueur de prune (umeshu) à l’apéritif (kanpai !). Je m’en suis procuré depuis avec la prune entière…
Nous étions sept, dont trois garçons, à suivre les conseils techniques de Sakura, qui nous a appris à faire un bouillon miso succulent (rien à voir avec le bouillon clair où surnagent quelques algues et champignons de Paris, je vous l’assure…). Pendant que tout cela mijotait tranquillement, nous sommes rentrés dans le dur avec les makis. Les traditionnels (hosomakis), d’abord, c’est-à-dire ceux qui sont entourés d’algue nori, par opposition aux californiens (uramakis), qui présentent l’algue à l’intérieur et dont le riz est souvent saupoudré de graines de sésame grillées (brunes et blondes, pas de jaloux). Rappelons au passage que les makis californiens, comme leur nom l’indique, sont d’origine américaine et non japonaise. Les Américains, nous a dit Sakura, font un blocage sur l’algue, alors ils la planquent… Et ne vous avisez pas de leur dire que le résultat est le même.
J’avais bien fait de m’entraîner par deux fois. J’ai très vite compris pourquoi mes makis maison étaient trop gros : il suffit de couper la feuille d’algue en deux pour en faire de plus petits, qu’on croque en entier goulument après un rapide passage dans la sauce soja (salée). Comme les makis se mangent froids, le gingembre, nous a expliqué Sakura, sert à réchauffer le corps entre deux bouchées. Quant au wasabi, je l’utilise désormais en poudre : ça se conserve mieux qu’en pâte et il suffit de le diluer dans l’eau.
J’ai largement progressé dans l’esthétique du maki. Pour le californien, peut mieux faire ! Comme l’algue est à l’intérieur, on la retourne sur la natte de bambou (makisu) quand elle est recouverte de riz vinaigré et de sésame, et c’est ensuite seulement que l’on dispose l’avocat, les rondelles de gambas cuite ou le saumon cru, selon ce que l’on souhaite déguster. C’est alors que le tour de main intervient, quand on utilise la natte pour rouler le maki sur lui-même. Le cours, à ce moment précis, est une vraie plus-value.
Après ces trois heures d’initiation salutaires, j’ai donc foncé chez Kyoko, rue des Petits-Champs, pour faire mes emplettes. J’y ai même trouvé du bouillon dashi en cubes (préconisé dans de nombreuses recettes du Livre de la vraie cuisine japonaise, pour le moins technique). Pour les makis, je vous recommande le dernier sorti chez Larousse : Sushis, makis & cie. Il propose une centaine de recettes relativement simples à faire (si tant est qu’on maîtrise le riz vinaigré), notamment des chirashis, des sashimis, des temakis, des gunkans, des nigiris, des oshis… Ouh là, je m’emballe, tel un makisu dans un film alimentaire !
Dans le 70, ce matin, entre le 15e et le 1er arrondissement, je m’extasie devant la beauté de Paris, son unité architecturale, ses grands boulevards arborés. Je repense à la discussion d’hier soir, avec Jérôme, à l’évocation de Tokyo, que je juge comme une juxtaposition de quartiers et de blocs sans uniformité. Pire à Kyoto. Comme si l’urbanisme n’était pas pensé. Nous en venons à parler du « franponais », cette façon qu’ont les Japonais d’user maladroitement de la langue française. Je ne résiste pas au plaisir de vous recommander un site sur ce délicieux dialecte nippon.
C’était une carte postale qui la faisait beaucoup rire et qu’elle conservait parmi d’autres grigris, posés sur sa coiffeuse. L’exercice est périlleux, peut-être impudique, mais Fred lisait parfois mon blog et y trouvait un certain plaisir. Comme elle avait plaisir à ressortir cette carte de Plonk & Replonk – « Grève des patrons-coiffeurs » – que je lui avais envoyée il y a quelques mois. Alors je me risque à cette épitaphe bavarde et virtuelle. C’était une étrange amitié que nous avions tissée là. Un rendez-vous capillaire environ tous les deux mois, à Paris, quand j’y vivais et même après. Mon entourage se moquait parfois. Allez chez le coiffeur à Paris quand on vit en Touraine, même en rase campagne, ça fait snob. N’empêche que j’ai toujours été moins bien coiffée ailleurs. Les rares infidélités provinciales, elle les voyait, mais jamais elle n’aurait critiqué ma coiffure de Playmobil, elle, la Nantaise et fière de l’être. Je n’y allais pas que pour son coup de ciseaux virtuose. On riait beaucoup, en général. Elle virevoltait autour de votre crâne avec la maîtrise d’un chef teppanyaki autour d’un volcan d’oignons. J’en oubliais qu’elle était en train de me coiffer. Vingt ans comme ça, à ne pas voir nos âges défiler, à partager nos bonheurs et nos maux, elle des ciseaux dans la main, moi les cheveux en bataille. Quand j’y songe, on a passé plus de temps à se parler devant une glace qu’à se regarder en face. Peut-être qu’au fond, cette singularité spéculaire a scellé notre complicité. Quand j’imagine Fred, je la vois dans la glace, une surface polie comme elle savait l’être avec ses clients, lumineuse comme son regard espiègle. De la réflexion, une classe naturelle, une spontanéité désarmante. Elle s’est suffisamment occupée de ma tête pour y avoir sa place. Elle est là, blottie dans un petit coin, évidemment souriante. Mon père et ma grand-tante lui ont fait un peu d’espace. Ce sont mes morts, incroyablement vivants. Incroyablement rassurants.
Photo : chevelure d’oyats sur la plage du Donnant, à Belle-Ile (pour Frédérique, dans un ciel forcément bleu).