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Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, réalisateurs des Saisons, et une partie de l’équipe de tournage ont présenté leur film en avant-première à Tours, le 14 janvier dernier. Rencontre autour d’une œuvre magistrale, chronique audacieuse de l’Europe sauvage depuis 20 000 ans.
Au manteau de neige succède bien vite une épaisse forêt qui recouvre le continent européen. Le temps d’un prologue, l’enjeu climatique est levé dès le début du film : après 80 000 ans d’hiver, le cycle des saisons s’installe. On entend un pic, un coucou. On remarque la première trace subliminale de l’homme au travers d’une fontaine qui tiendra lieu de repère au fil des évolutions du paysage. Et quelles évolutions ! La prouesse des Saisons, c’est de parvenir à dépeindre en 1 h 35 les vingt mille ans de cohabitation qui vont suivre entre les hommes et les animaux, du point de vue de ces derniers.
Les animaux filmés au plus près
“Nous nous sommes entourés de conseillers scientifiques pour envisager les êtres vivants comme des personnages au sens littéral de donner un visage”, explique Jacques Perrin. De fait, toutes les espèces, y compris les micromammifères et le lucane cerf-volant, sont filmées au plus près pour susciter émotion et empathie. Cette proximité, outre le recours à l’imprégnation, a nécessité l’invention d’un prototype, Tobrouk, un engin capable de filmer la course des loups ou des chevaux en slalomant entre les arbres, au ras du sol ! À l’image, soutenue par la musique du fidèle Bruno Coulais et une bande son Dolby Atmos (malheureusement, toutes les salles ne sont pas équipées…), cela donne des scènes de poursuite et de prédation virtuoses d’une grande intensité dramatique, qui alternent avec des scènes tantôt tendres (le clin d’œil à Bambi, les couvées inexpérimentées), tantôt primesautières (les chouettes commères, la pie chapardeuse, la parade irrésistible des cincles plongeurs…)
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Ma chronique « Une plume à la page » pour la Web TV du Festival international du film ornithologique de Ménigoute. Artisanal, mais j’y tiens !
Le dernier long métrage de Pascale Ferran, Bird people, n’a rien d’animalier, mais le moineau joue une place cruciale dans la deuxième partie du film, qu’on ne saurait déflorer, mais qu’on recommande vivement pour la prouesse narrative et technique. Dès le début de l’histoire, des passereaux captent le regard des deux personnages principaux, l’un dans le RER, l’autre dans une scène sur Skype. Tous deux à saturation dans une vie faite de stress et de transports en commun éreintants, de mails et de coups de fil contraignants, ils s’échappent un instant en contemplant un oiseau qui fait irruption de manière insolite dans un cadre de leur quotidien, une fenêtre en l’occurrence. Le temps se suspend alors et l’on imagine leurs interrogations : que fait cet oiseau ? Que représente sa vie de piaf face à la mienne ? Serait-il au fond plus libre que moi ?
Pourquoi observe-t-on un oiseau ?
Bird people, conte aux confins du fantastique, pose un regard à la fois lucide et poétique sur notre société trop pressée, qu’il dépeint comme une juxtaposition de solitudes surexposées aux communications virtuelles.
La scène la plus poétique du film montre un artiste japonais en train de peindre dans sa chambre d’hôtel, attiré à son tour par l’intrusion du moineau sur le rebord de sa fenêtre. Un échange magique s’instaure alors entre les deux êtres…
Que recherche l’ornithologue lorsqu’il dirige sa paire de jumelles sur un volatile ? La quête d’un comportement à décrypter ? Une émotion esthétique ? Une espèce à identifier ? Une échappatoire ? Quelles que soient ses raisons, on peut supposer une fascination pour l’altérité, pour un être de chair et de sang si différent. Léger et vulnérable, mais capable de prouesses sans technologie.
Allez voir Bird people et vous n’observerez plus jamais un moineau de la même façon. Peut-être vous retournerez-vous aussi sur votre vie en prenant un peu de hauteur.
En ligne, la dernière newsletter que j’ai rédigée pour le Festival de Ménigoute. Prochain rendez-vous fin janvier 2013 !