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    Oyats, comme des cheveuxC’était une carte postale qui la faisait beaucoup rire et qu’elle conservait parmi d’autres grigris, posés sur sa coiffeuse. L’exercice est périlleux, peut-être impudique, mais Fred lisait parfois mon blog et y trouvait un certain plaisir. Comme elle avait plaisir à ressortir cette carte de Plonk & Replonk – « Grève des patrons-coiffeurs » – que je lui avais envoyée il y a quelques mois. Alors je me risque à cette épitaphe bavarde et virtuelle. C’était une étrange amitié que nous avions tissée là. Un rendez-vous capillaire environ tous les deux mois, à Paris, quand j’y vivais et même après. Mon entourage se moquait parfois. Allez chez le coiffeur à Paris quand on vit en Touraine, même en rase campagne, ça fait snob. N’empêche que j’ai toujours été moins bien coiffée ailleurs. Les rares infidélités provinciales, elle les voyait, mais jamais elle n’aurait critiqué ma coiffure de Playmobil, elle, la Nantaise et fière de l’être. Je n’y allais pas que pour son coup de ciseaux virtuose. On riait beaucoup, en général. Elle virevoltait autour de votre crâne avec la maîtrise d’un chef teppanyaki autour d’un volcan d’oignons. J’en oubliais qu’elle était en train de me coiffer. Vingt ans comme ça, à ne pas voir nos âges défiler, à partager nos bonheurs et nos maux, elle des ciseaux dans la main, moi les cheveux en bataille. Quand j’y songe, on a passé plus de temps à se parler devant une glace qu’à se regarder en face. Peut-être qu’au fond, cette singularité spéculaire a scellé notre complicité. Quand j’imagine Fred, je la vois dans la glace, une surface polie comme elle savait l’être avec ses clients, lumineuse comme son regard espiègle. De la réflexion, une classe naturelle, une spontanéité désarmante. Elle s’est suffisamment occupée de ma tête pour y avoir sa place. Elle est là, blottie dans un petit coin, évidemment souriante. Mon père et ma grand-tante lui ont fait un peu d’espace. Ce sont mes morts, incroyablement vivants. Incroyablement rassurants.

    Photo : chevelure d’oyats sur la plage du Donnant, à Belle-Ile (pour Frédérique, dans un ciel forcément bleu).