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    Posts Tagged ‘Dominique A’

    Je n’ai pas suivi la ligne rose sur le trottoir. En bonne dissidente, j’ai suivi mon instinct. J’ai coupé par la rue Harouys, celle d’où retentit certains soirs le son des binious. J’ai rejoint le passage Pommeraye. Première étape chez Agnès Varda, qui y a reproduit la boutique de téléviseurs de Piccoli dans Une chambre en ville, de Jacques Demy, tourné en partie dans ce passage couvert hors du temps. Sur les écrans, des images d’archives des quais de la Loire à Nantes, des gens qui votent à Noirmoutier, des chalands et des passants… Trop de monde sur la place Royale, où trône un mont Gerbier-de-Jonc plus proche du mamelon que du dôme ardéchois. Et tellement vert synthétique. Alors j’emprunte la passerelle et je prends un grand bol d’air estuarien, celui qui qui vient de la mer. Ça tangue un peu et le palais de justice, en face, est aussi raide qu’elle. Et tellement noir. La structure métallique du bâtiment Manny m’attire comme un aimant. J’avoue traverser le Zebra Crossing sans m’en apercevoir. Si un panneau ne me l’avait pas soufflé, je n’aurais pas remarqué les globes jaunes « Belisha beacons ». Le magasin de design dans lequel je m’engouffre a remporté la mise. J’y repère une lampe Stark, Miss Sissi, modèle rouge. Je viens de craquer pour une sculpture lumineuse Akari (terme japonais utilisé pour exprimer la clarté ou la lumière), d’Isamu Noguchi. Mais on n’a jamais assez de lumière. Rendez-nous la lumière chante Dominique A. En ressortant de cet espace enchanteur, je m’arrête un instant. La façade chante, justement. Rolf Julius a voulu la rendre audible et ça marche. Il a fait « de la musique pour les yeux ».

    Pendant ce temps, sur le toit de l’école d’archi, on joue au banaball, un sport hybride entre la balle au prisonnier et la pelote basque, où les chisteras se déguisent en banane. C’est l’un des dispositifs des Playgrounds, les JO décalés du Lieu unique. Cette grande banane allongée, on la repère depuis les bords de Loire, comme un clin d’œil au Velvet en haut de cette Factory qu’est l’Ensa. La vue est belle à 360° mais la température n’est pas à la hauteur. Le vent souffle. Je boude les transats lestés de sacs de sable et m’amuse à contempler la Tour Bretagne dans une lunette facétieuse qui la transforme en Empire State Building.

    Passé l’Absence, un curieux café snack niché dans une œuvre pérenne d’Estuaire 2009, quelques timides expérimentent les installations éphémères du quai, Mille Plateaux : tables, bancs, hamacs, que l’on peut s’approprier le temps d’une sieste, d’un pique-nique ou d’un apéro… J’ai les pieds qui surchauffent. Je m’en retourne rive droite. La ville, c’est bien vrai, est renversée par l’art. Ce n’est que ma première exploration urbaine du Van. Et j’ai jusqu’au 19 août pour m’immerger dans ce foisonnement de créativité. « Transformer le splendide gaspillage de la vie dans la sublime économie de l’art » (Henry James, via Dominique A).

    Dominique A en concert à Allonnes, le 23 janvier 2012 Il arrive sur scène sans crier gare comme un débutant alors que ça fait vingt ans. C’était d’ailleurs sur cette scène confidentielle de la ville sans âme où j’ai grandi, Allonnes, en banlieue du Mans. Curieuse coïncidence, quand j’y pense.

    Nous avons garé la voiture près du bourg, non loin de la boutique de Maurice Chausseur où ma mère achetait nos souliers. En quelques pas allongés, pressés, nous sommes devant la scène, groupies fidèles engoncées dans nos manteaux d’hiver.

    Il dit que le concert commence par la fin. C’est un peu vrai. Deux musiciens pour reprendre les titres de La Fossette, album culte peut-être mais pas franchement mon préféré, hormis le morceau du Courage des oiseaux sans lequel, dit-il, il ne serait pas là ce soir. C’est un peu vrai aussi. Il n’empêche que c’est intense, avec cet accordéon plaintif et ce texte intrigant sur les lapins, mais pas aussi intense que la deuxième partie, où un quintette à vents s’installe en fond de scène.

    La longue intro me rappelle Pierre et le Loup, le basson très vite exhume mes peurs d’enfant.

    Les gouttelettes de sueur perlent sur le crâne nu du chanteur, luisant comme un clair de lune dans la brume artificielle de la salle Jean Carmet. Elles forment bientôt une discrète rivière qui suivra les sillons de part et d’autre du menton prognathe. Ses ongles sont coupés courts et il porte toujours ses Clarks, sa chemisette noire ajustée.

    Parfois, il lance la tête vers l’arrière quand il ne s’agit pas de la jambe gauche, projetée vers l’avant dans un geste martial, incontrôlé. Et voilà qu’il cite le lamantin, « un phoque ». A cheval sur la systématique, je me dis que non, le lamantin n’est pas un phoque.

    Après le concert, pendant que nous sirotons une bière, il finit par arriver, comme à son habitude, bouteille de 16 à la main, large sourire dégageant des dents régulières. Je m’approche de lui. Dominique A – être supérieur – ne peut ignorer que le lamantin n’est pas un phoque. Un mammifère aquatique, d’accord, mais un phoque, quand même ! « Ah bon ? me répond-il, amusé. Très bien, merci. Je vérifierai ! » Pour le prochain concert auquel j’assisterai, à Nantes, dois-je le prévenir  que le lapin n’est pas un rongeur. C’est un lagomorphe. Et Dominique A un artiste tout ce qu’il y a de plus humain, qui chérit les arbres, les lapins et les lamantins.

    Photos : Dominique A en concert, le lundi 23 janvier, à Allonnes. Après le concert, mini-conférence sur le lamantin avec votre serviteuse. © Catherine Levesque et Fabrice Lemaréchal.