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J'anime un 2ème blog dans lequel je propose une sélection de sites Web, de vidéos et d'articles divers trouvés sur Internet.
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Les derniers articles ci-dessous :

    Rubrique ‘Ça m’énerve’

    Dominique A en concert le 13 décembre 2012Jeudi dernier, énième concert de Dominique A, mais jamais assez, jamais le même, toujours la même subjugation. Trois nouveaux morceaux dès l’ouverture, dont un magnifique sur cet amour qui viendra de l’Ouest. Texte ciselé, métaphorique, efficace : il y a toujours moyen de s’y retrouver, de ressasser le passé. Ça fait mal et ça fait du bien aussi. On cautérise, on conjure, on radoube. Les vieux outils familiaux ne suffisent pas toujours mais on aime savoir qu’on peut y recourir, dans la vieille trousse posée sur une étagère du sous-sol. Et Jeff, ce bassiste élastique qui jouit et souffre avec sa contrebasse, qui joue de la basse manche à la verticale, en sautant ou en grimaçant. Comme il embrasse son art ! Le chanteur, parfois, coule un regard vers lui et l’on oublie que c’est lui la star.

    Dehors, il pleut et il fait noir. La veille, nous étions le 12-12-12 et il ne s’est rien passé de particulier à ma connaissance. Le surlendemain fut beaucoup plus surprenant. Et d’aucuns attendent le 21-12-2012 avec fébrilité. Personnellement, je ne serai pas à Bugarach (d’ailleurs, il sera impossible d’accéder à ce refuge, c’est dire la portée du délire…) mais à Nantes, persuadée, comme Dominique A, que l’amour viendra de l’Ouest, fin du monde ou pas.

     

     

    Cosmétique franponaiseDans le 70, ce matin, entre le 15e et le 1er arrondissement, je m’extasie devant la beauté de Paris, son unité architecturale, ses grands boulevards arborés. Je repense à la discussion d’hier soir, avec Jérôme, à l’évocation de Tokyo, que je juge comme une juxtaposition de quartiers et de blocs sans uniformité. Pire à Kyoto. Comme si l’urbanisme n’était pas pensé. Nous en venons à parler du « franponais », cette façon qu’ont les Japonais d’user maladroitement de la langue française. Je ne résiste pas au plaisir de vous recommander un site sur ce délicieux dialecte nippon.

    La Superstructure, En vert, au Festival de Chaumont 2012Ce matin, dans la rue, un jeune homme barbu me fait un signe comme si j’avais égaré quelque chose par terre, rue Bernard-Palissy. Je me retourne et il me dit : « Votre sourire, vous avez perdu votre sourire ».

    Photo : La Superstructure, En vert,  jardin n° 19 bis du 21e Festival international des Jardins de Chaumont.

    Crêpetown, à NantesElle est arrivée de la capitale avec une Samsonite rouge récupérée en bas de son immeuble parisien, au rebus. Son usage s’est avéré moins commode qu’il y paraissait. La valise en simili-Bakélite, de taille modeste, tient plus du vanity case. Elle est lourde à vide et, au retour, nous nous sommes relayées pour la porter en longeant le fil rose du Voyage à Nantes. Trop tard pour Le Carrousel des mondes marins, impressionnant manège abyssal dont j’ai vu les créatures grandir dans l’antre des Machines de l’île. Trop tard pour les théâtres optiques de Pierrick Sorin au Hangar 32. Alors nous investissons l’une des nombreuses tables de La Cantine de Nantes. Rien à voir avec l’espace de coworking ! Là, c’est l’heure de l’apéro et on y propose un mojito à 5 €. Irrésistible, surtout sur fond de musique cubaine. Voilà qui ravive de bons souvenirs d’un lointain voyage. J’observe les étonnantes chaises de métal sur lesquelles s’enroulent des mètres et des mètres de film étirable. Au final, l’ensemble s’avère solide et les toits sont conçus de la même manière par les scénographes, des designers hollandais. Le soleil s’évanouit sur les anneaux de Buren, quai des Antilles.

    Le lendemain, c’est à Crêpetown que nous avons fait étape, sans l’avoir vraiment programmé. La plus grande crêperie du monde dans les anciennes halles Alstom de l’île de Nantes ! Un DJ black imperturbable mixe des vieux tubes de la Motown. Moi, j’y reconnais Bécaud, Claude François… Ce sympathique lieu de restauration, éphémère lui aussi, cohabite avec une friperie et un atelier de sérigraphie.

    Parce que la gare est notre destination ultime, ce dimanche-là, nous échouons pour finir sur un transat du Lieu unique. Un classique dont je ne parviens pas encore à me lasser, après un petit tour dans la librairie. J’entame la lecture de Place publique pour la première fois. Le dossier porte sur les rapports entre Nantes et le muscadet : la fin du dédain, annonce la couverture. Désolée, il fait si chaud que moi, je sirote une bière blanche.

    Je lis La Forme d’une ville, de Julien Gracq. L’ouvrage, à l’ancienne, impose que je déchire ses pages avec un coupe-papier. Preuve supplémentaire que cette écriture complexe se mérite. L’effort du geste prépare à la concentration. Bien avant de noircir des feuilles volantes sur la ville de son adolescence, l’Angevin écrivit : « Le cœur de Nantes battra toujours pour moi avec les coups de timbre métalliques des vieux tramways jaunes virant devant l’aubette de la place du Commerce, dans le soleil du dimanche matin de mes sorties — jaunet et jeune, et râpeux comme le muscadet. » Le tramway a changé de couleur et le muscadet gagné en qualité.

    Beaucoup de médias, dont Télérama, ont raté le Van. Comprenez le Voyage à Nantes. Rien dans ses colonnes sur la portion de façade signée Leandro Erlich qui défie les lois de la gravité place du Bouffay. Une vision surréaliste, surtout au crépuscule, sous la bruine, qui aurait séduit André Breton : « Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine », écrivait-il en 1928. Ratage ou excès de parisianisme ? Rien sur cet « archipel d’îlots changeants », comme l’appelait Jules Verne, qui investit dans une culture détonante et détonnante quand nombre de villes font grise mine. L’air de l’amer ne souffle pas sur Nantes, passée, comme l’a joliment écrit le philosophe local Jean-Claude Pinson, « du prolétariat au poétariat »

    Le port d’un ciré jaune à Nantes, aussi nécessaire soit-il ces jours-ci, est suspicieux pour l’autochtone. On vous détecte très vite dans les rues détrempées et l’on vous assimile à un Parisien déguisé. Le gars à la vareuse délavée et aux cheveux gras qui fait la queue devant vous à Talensac, c’est bien simple, il ne vous calcule même pas. La poissonnière, elle, avec sa voix de poissonnière, elle vous lance : « La dame en jaune, là, elle voudra bien avancer, elle sera mignonne. »

    Je désigne du doigt l’araignée encore vivante et les six huîtres de Noirmoutier, les plus petites s’il vous plaît. Le muscadet des Génaudières est déjà au frais. Max m’expliquera plus tard qu’on ne cuit pas une femelle araignée comme un mâle. Qu’on met le gros sel dans le faitout uniquement quand l’eau bout, sans quoi il retardera la cuisson. Fille de la région, je l’ignorais. Nathie, elle, ne préfère pas savoir, cache ses yeux derrière ses doigts comme les enfants devant un film qui fait peur. La pauvre bête va mourir ébouillantée, c’est horrible. Une heure après, elle la charcute avec son bistouri marin. Que voulez-vous, la mémoire est sélective et la chair des crustacés n’est pas triste, hélas.

    Sur les étals des maraîchers, des pommes de terre nouvelles, des fraises, des asperges et du muguet. J’en achète dix brins. Je sais qu’il s’agit d’une culture intensive assez discutable mais la tradition l’emporte sur la raison. Appliqué à d’autres pratiques, ce réflexe donne des trucs pas terribles…

    Un stock de crêpes et de pain bio, puis je m’en retourne dans mon ciré jaune. La tour Bretagne est toujours aussi démodée et je m’engage devant l’église réformée vers la rue de la Bastille, un peu vide. M’en fous, j’ai faim et mes paniers sont pleins.