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    Rubrique ‘Bonnes toiles’

    The land of hopeOn ne marche plus de la même façon au Japon depuis Fukushima. Il faut aller voir Kibo no kuni (The Land of hope) pour le comprendre. Ce film de 2 h 15 a été réalisé par Sono Sion, un cinéaste prolifique, star au Japon (il a notamment réalisé des films choc sur les suicides…). C’est extrêmement bien joué et plein de poésie, entre documentaire et fiction. Si vrai que j’en suis ressortie bouleversée, moi qui ai beaucoup d’affection (et d’affliction) pour ce pays. Plutôt que de m’étendre sur la profonde émotion que ce film a soulevée en moi, quelques extraits de l’article paru dans le quotidien Tokyo Shimbun (publié en français dans Courrier International n°1151 en novembre 2012). Pour rappel, le tsunami géant du 11 mars 2011 a provoqué à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi un accident majeur, classé de niveau 5, puis 7 sur l’échelle internationale des événements nucléaires. A la parution de l’article, 15 873 morts étaient recensés, 2 744 personnes portées disparues et 325 000  déplacées.
    « Quand j’ai annoncé que je voulais faire un film sur l’accident de Fukushima, tout le monde s’est défilé. J’ai compris alors que le véritable sujet tabou au Japon n’était ni le sexe ni la violence mais le nucléaire », raconte Sono Sion dans le quotidien japonais.
    En janvier 2012, alors que le tournage de The Land of hope avait déjà commencé, Sono Sion n’avait pas encore réuni tous les financements nécessaires. Finalement, le film, sorti en octobre 2012 dans l’archipel nippon, a été produit par une société japonaise et, à concurrence de 20 %, par des Anglais et des Taïwanais.
    Le 11 mars 2011, Sono Sion était en plein tournage de son précédent film, Himizu. Au vu des événements, il a récrit en toute hâte son scénario pour situer son action après la catastrophe. Deux mois plus tard, il était à Ishinomaki et tournait dans les zones sinistrées.
    L’action de The Land of hope, elle, se déroule dans la préfecture imaginaire de Nagashima (nom créé en fusionnant ceux de Nagasaki et Hiroshima…), une dizaine d’années après l’accident. Un nouveau séisme se produit (filmé tout en suggestions), provocant une explosion dans une autre centrale. Une famille d’éleveurs qui vit à la lisière de la zone interdite voit alors son jardin coupé en deux par la ligne de démarcation du périmètre : une scène burlesque et puissante (issue d’une histoire vraie) qui révèle l’absurdité des consignes de sécurité face au danger des radiations invisibles.
    Si la catastrophe nucléaire a déjà fait l’objet de documentaires, elle n’avait encore jamais été portée à l’écran comme fiction. Parmi les nombreuses images du film que je garde en tête, celle de cette jeune fille qui cherche ses parents disparus dans la zone interdite, à la fois belle et dévastée – la neige au premier plan, le Pacifique à l’arrière – en mesurant et en commentant ses pas : ippo, ippo… Un pas vers l’espoir ou la résignation ?

    Des abeilles et des hommesC’est suffisamment rare pour être signalé, deux films animaliers sont à l’affiche depuis le 20 février. Un blockbuster de Disney Nature, Chimpanzés, et un film d’auteur, certes à gros budget, du Suisse Markus Imhoof, Des abeilles et des hommes. Le talentueux Charles Berling prête sa voix à ce long métrage ambitieux de 91 minutes : « C’est comme si l’auteur du film nous proposait un parallèle fascinant et édifiant avec nos propres sociétés humaines », confie-t-il dans le dossier de presse. De fait, l’intention de Markus Imhoof est « de permettre au spectateur de saisir le drame qui se joue, à la fois à travers des images très sensorielles et des histoires bien réelles de “minuscules” abeilles, sans oublier le contexte bien plus vaste et oppressant : la pression causée par une pyramide économique mondiale en continuelle croissance ».
    Pour mieux montrer ces insectes fascinants, arrivée sur Terre 60 millions d’années avant nous, le réalisateur a inventé des outils sur mesure capables d’accompagner leurs actions dans l’espace avec des travellings, des mouvements de grue et autres panoramiques. Il nous montre aussi des apiculteurs qui, comme dans les vastes champs d’amandiers de Californie, les poussent à améliorer leurs performances. [lire la suite sur le site du Festival de Ménigoute]

    © Photo : DR.

    1972. La plupart des œuvres Aborigènes* exposées jusqu’à aujourd’hui au musée du Quai Branly ont mon âge. Ceux qui les ont peintes ont des noms impossibles à mémoriser pour les Occidentaux que nous sommes – Mick Namarari Tjapaltjarri, Kaapa Tjampitjinpa, Timmy Payungka Tjapangati… – et il faut s’y prendre à plusieurs fois ne serait-ce que pour les coucher sur le papier.

    Mon intérêt pour cet art fascinant remonte à un reportage en Australie, un an avant les JO de Sydney. En Terre d’Arnhem, j’ai observé avec un vif intérêt les peintures pariétales représentant chasseurs et kangourous sur la roche ocre. Accrochée au manteau de ma cheminée, je conserve une œuvre délicate achetée dans une galerie d’Alice Springs (un chasseur de kangourou, justement) et un minuscule bocal de sable rouge ramassé dans le désert du Centre. Je m’aperçois aujourd’hui qu’il s’agissait peut-être d’un vol odieux aux yeux des habitants de ces terres hostiles et envoûtantes. La terre et le ciel se confondent dans leur paysage mental et le point de vue qu’ils adoptent lorsqu’ils peignent est d’ailleurs celui d’un oiseau. Loin des estampes japonaises qui flattent aussi ma pupille, point de ligne d’horizon, d’échelle, de perspective ni d’orientation. Mais des signes.

    Au début des années 1970, quand les Aborigènes virent leurs légitimes aspirations reconnues, un professeur d’art, Geoffrey Bardon, a encouragé la communauté de Papunya (un centre de « sédentarisation » créé par l’État australien) à s’inspirer des motifs traditionnels hérités de ses ancêtres. Comme il s’agissait de signes, ils le surnommèrent M. Patterns (M. Motifs !). Un mouvement fondateur était né dans cette coopérative : les Aborigènes ne dessinaient plus sur le sol, les écorces ou les corps dans le cadre strict de cérémonies, mais sur de petites surfaces de bois aggloméré, à l’acrylique.

    Il est amusant de voir nombre de visiteurs s’approcher de certains tableaux, comme aspirés par les milliers de points blancs hypnotiques formant des courbes indéchiffrables à nos yeux. Même avec les clés livrées par les anthropologues, interprétrer ces « lignes de chansons », ce réseau de symboles et de cercles concentriques, tout comme la notion mythologique de Temps du rêve (Dreaming), demeure un exercice mental complexe. J’ai appris dans cette exposition que ces petits points représentent parfois la bourre de coton que les Aborigènes utilisaient pour souligner les contours des dessins réalisés au sol. Il peut aussi s’agir de végétation, d’éléments topographiques…

    Il y a une autre explication à cette sémantique inaccessible : il fallut trouver un moyen de coder des images au caractère sacré dès lors qu’un public non autorisé était susceptible d’y avoir accès. Ce paradoxe est illustré dans le musée par un espace clos où sont présentées une vingtaine d’œuvres dont la vue est interdite aux femmes et aux enfants Aborigènes.

    La superposition de ces motifs aux pointillés est parfois si bien maîtrisée qu’elle offre des effets optiques magistraux, notamment sur les quelques toiles géantes présentées en fin d’exposition.

    Le succès de cette exposition, dont le catalogue est malheureusement définitivement épuisé, confirme l’intérêt des Occidentaux pour cette grammaire picturale fondée sur une culture multimillénaire. Besoin de Terre, besoin de Mystère, besoin de Sacré.

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    * A la demande des Aborigènes, précise le musée, ce terme est écrit systématiquement avec une capitale même lorsqu’il s’agit d’un adjectif, contrairement aux règles du code typographique !

    Légende : Le Rêve du serpent. Auteur de l’œuvre :  Warlimpirrnga Tjapaltjarri. Fin du 20e siècle. Pigments acryliques sur toile (151,7 x 123 x 2,5 cm, 5400 g). Territoire du Nord (Australie). Groupe Pintupi, communuaté de Papunya. Ce rêve est associé au cycle secret Tingari. « Les Tingari sont des personnages mythiques du Temps du Rêve qui voyagent dans de vastes étendues du pays, en organisant des rituels et en créant des sites. Les hommes Tingari sont, en général, suivis des femmes Tingari et accompagnés par les novices. Leurs aventures sont relatées dans des chants cérémoniels. Ces mythologies font partie des enseignements actuels des jeunes initiés et donnent des informations sur les rituels contemporains. » F. Dussart
    © Musée du Quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado © ADAGP, Paris 2012

     

    Pluie d’orage sous le sommetLa Grande Vague d'HokusaiNous avons notre fou chantant. Le Japon a son fou de dessin. « Gakyôjin », c’est ainsi que se surnommait lui-même Hokusai (1760-1849), grand maître de l’estampe. Comme une vision furtive du mont Fuji depuis le Shinkansen, ses œuvres se méritent. Elles sont fragiles et craignent la lumière. Les 36 vues du mont Fuji (46 en réalité, dix planches ayant été ajoutées lors d’une seconde édition) qui font sa renommée somnolent la plupart du temps bien à l’abri dans les collections de la Bibliothèque nationale de France. Elles ont été réunies au fil du temps grâce aux legs et dations de trois grands collectionneurs japonisants, parmi lesquels l’artiste Henri Rivière. Après quatre ans d’hibernation, le musée Guimet en a ressorti une quarantaine. Neuf concernent l’œuvre si célèbre, mais ça n’est déjà pas si mal. Quand vous avez sous les yeux « la grande vague », le temps est comme suspendu. Beaucoup l’imaginent bien plus grande qu’elle ne l’est en réalité (il s’agit d’un format Ôban, soit 25 x 38 cm marges comprises). Beaucoup oublient que le mont Fuji apparaît en arrière plan, tant la vague prend toute la place. Peu de gens remarquent les frêles esquifs et les pêcheurs qui menacent d’être engloutis. Je me penche vers l’œuvre comme pour m’éclabousser d’embruns. Je plonge dans ce bleu de Prusse qui fit fureur à l’époque : cette couleur chimique éclatante venue d’Europe damait le pion aux vieux pigments naturels. J’observe la finesse du travail, son étonnante modernité.

    Très peu de planches figurent finalement le mont Fuji en tant que sujet. Dans Pluie d’orage sous le sommet, la vénérable montagne apparaît rougie et zébrée d’orange par un éclair qui évoque tout aussi bien des brèches de magma.

    Autre ambiance dans Le coup de vent dans les rizières d’Ejiri dans la province de Suruga (les titres à rallonge ajoutent au charme des œuvres) : sur le chemin, sept voyageurs luttent contre une rafale qui emporte chapeaux et feuilles de papier dans le ciel. Le dessin a quelque chose de la bande-dessinée. En arrière plan, le mont Fuji apparaît sous un simple trait noir à peine appuyé.

    A l’époque de Hokusai, Tokyo s’appelait Edo et offrait une dizaine de panoramas pour contempler le Fuji-san. Aujourd’hui, l’urbanisation et la pollution rendent l’exercice plus difficile. Clin d’œil amusant, seule la 46e planche (qui ne figure pas dans l’exposition) ne montre pas le cône volcanique : on y voit simplement ses pèlerins en pleine ascension !

    Exposition prolongée jusqu’au 7 janvier au musée Guimet.

    Pour en savoir plus : Hokusai, Les trente-six vues du mont Fuji, Jocelyn Bouquillard, éd. Seuil/BNF 2010, 19 € ). Un joli petit livre bien documenté.

    Légendes : Sanka hakuu, Pluie d’orage sous le sommet. Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu. Don Henri Vever, 1894 / EO 173 © Thierry Ollivier / RMN 
    Kanagawa oki namiura, Sous la grande vague au large de la côte à Kanagawa. Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu. Editeur : Nishimuraya Yohachi (Eijudô). Legs Raymond Koechlin, 1932 / Eo 3285 © Thierry Ollivier / RMN

    L'affiche des InvisiblesBonne surprise ce soir, aux Studio, à Tours : la présence, après la projection des Invisibles, du réalisateur Sébastien Lifshitz, venu répondre aux questions des téléspectateurs. Séduite par les témoignages de ce documentaire sensible et plein d’humour, je commence par lui demander comment il a choisi ses « personnages ».

    Il explique qu’il a mis un an et demi à trouver quelques 70 témoins possibles via des associations réparties sur tout le territoire. Il avait à cœur que ces homosexuel(le)s soient représentatifs de différentes régions, différents milieux sociaux. Il fallait aussi qu’ils n’aient pas peur de la caméra, que leurs lieux de vie soient cinégéniques et qu’ils aient suffisamment de recul et de réflexion sur leur parcours de vie pour rendre leur témoignage pertinent à l’écran. Au final il a filmé une dizaine de personnes et sept ont été gardés au montage (dont quatre femmes).

    Sur la genèse du film, il raconte qu’il collectionne la photographie amateur depuis des lustres et qu’une virée aux puces de Vanves lui a mis dans les mains un album photos de deux vieilles dames à l’allure très bourgeoise. Un mystère émanait de ces images et il a cherché à comprendre si un lien lesbien unissait les deux femmes, emportant avec lui les dix albums que le brocanteur avait en sa possession.

    Il s’est alors demandé si les homosexuels de ces générations-là n’avaient pas eu des vies plus heureuses que ce que l’histoire officielle semble nous dire. D’où l’idée de ce documentaire qui porte un regard sur des homos de plus de 60 ans, bien souvent « invisibles », y compris dans le monde gay.

    Hasard du calendrier, le film sort en plein débat sur le mariage gay et l’homoparentalité, alors que les témoins du documentaire ont d’abord eu à lutter pour leur propre existence avant toute forme de revendication. Bien au-delà de l’homosexualité et de la valeur du combat, ce très beau film de cinéma rend avant tout hommage à la puissance des esprits libres dans un quotidien ordinaire.

    Pour la première fois depuis le début de ce printemps désastreux, j’ai senti dans cette soirée une douceur estivale. Presque lourde. Et remarqué qu’enfin, il faisait encore jour quand je suis sortie du ciné. En arrivant chez moi, envie de rester dans la fiction. J’allume le poste, où se joue Etreintes brisées, d’Almodovar. Coïncidence : je sors d’un film espagnol, En 80 jours,  et je retrouve un film espagnol. L’un est tourné à San Sebastian, au Pays basque, l’autre en partie à Lanzarote, une île que j’ai explorée l’an passé en randonnée. C’est avant tout pour y retrouver des paysages que j’ai envie de revoir ce mélo.

    Quelques recherches plus tard, je découvre dans le dossier de presse que le nœud du film est une photographie prise par le cinéaste sur la plage d’El Golfo. Lors de sa première visite sur l’île volcanique (qui a aussi inspiré une nouvelle étonnante de Michel Houellebecq), Almodovar a immortalisé cette plage de sable noir sans remarquer le couple enlacé qui figurait en bas de l’image. Il ne le découvrit que sur le tirage et décida que cette étreinte renfermait un secret. Il a cherché ce couple en vain jusqu’à la fin de son séjour, imaginé leur histoire. A défaut de la raconter, il décida de faire de Lanzarote un décor. Mais jamais l’île ne trouvait sa place dans les scénarios qu’il imaginait. Jusqu’à Etreintes brisés, sorti en 2009, une année où, moi aussi, j’étais en morceaux. Dans le film, la photo donc, est punaisée dans le bungalow où se réfugient Mateo et Lena, les amoureux en cavale, sur la plage de Famara.

    Je me souviens avoir arpenté les falaises de Famara, face à l’île de la Graciosa. Un moment de grâce gravé dans mon cortex, sauvage et beau. Dans le film vu ce soir au Festival Désir…désirs, les deux femmes septuagénaires rejouent leur baiser de jeunesse sur l’îlot de Santa Clara, dans la baie de San Sebastian. En 80 jours ou pas, à chacun ses tours du monde.

    Photo : La plage d’El Golfo… sans le couple enlacé. Caché derrière le rocher ? © Catherine Levesque